Docteur Faundez, de quoi souffrait le patient traité?
Il s’agissait d’un patient atteint d’une lombosciatique, provoquée par une hernie discale. Pour faire simple, dans ces situations une partie d’un disque intervertébral dépasse dans le canal vertébral lombaire et entraîne la compression d’un nerf, souvent le nerf sciatique comme dans ce cas précis. En résulte une douleur lombaire qui suit le trajet du nerf, pour le patient concerné jusque dans la jambe gauche. C’est une des affections du dos les plus fréquentes, due à un vieillissement naturel, que l’on opère lorsqu’il existe une faiblesse importante ou que la douleur se prolonge trop longtemps.
Comment cette intervention est-elle pratiquée d’ordinaire?
La technique de référence pour une hernie discale est la microdiscectomie, c’est-à-dire une herniectomie (ablation de la hernie), au microscope. On opère par une petite ouverture, dont la taille peut varier selon le profil et la corpulence du patient.
Cette technique fonctionne très bien, mais elle présente un désavantage, celui de décoller la musculature, ce qui l’abime légèrement, et surtout provoque des douleurs lombaires basses pendant quelques semaines. Même si ce n’est pas insurmontable, cela limite les activités et les positions prolongées et augmente le besoin d’antidouleurs.
En clair, on supprime la douleur sciatique initiale, mais avec le défaut de créer de façon transitoire une douleur lombaire basse post-chirurgicale.
La technique endoscopique permet donc d’éviter ça?
La technique endoscopique permet d’améliorer la récupération. Pourtant, elle a eu du mal à s’imposer en Europe, principalement parce que l’on utilisait jusque-là une technique appelée monoportale. C’est-à-dire qu’on insère un tube unique qui traverse la musculature en évitant de l’abimer, pour arriver sur la hernie discale. Le problème principal de cette technique, qui a largement empêché sa popularisation, c’est sa complexité : il faut énormément la pratiquer pour être à l’aise, ce qui fait que peu de chirurgiens l’ont adoptée.
Quelle innovation a permis de la rendre finalement plus accessible?
Ce que nous avons pratiqué il y a quelques jours était une première romande et une 2e suisse, une opération encore très peu pratiquée en Europe. Pour autant, cette intervention n’est pas nouvelle et a déjà fait ses preuves en Asie, particulièrement en Corée du Sud, depuis plusieurs années. Avec cette technique, la technique biportale, on utilise deux points d’accès au lieu d’un, ce qui permet d’avoir une meilleure fenêtre de travail.
On pratique une ouverture pour les instruments, qui passe par la musculature en l’abimant le moins possible, et par laquelle on va enlever la hernie. En parallèle une deuxième ouverture est faite pour la caméra, ce qui nous donne un total contrôle visuel. L’angle de travail est donc meilleur, alors qu’avec la technique monoportale tous les instruments sont dans le même champ de vision, ce qui rend le tout plus complexe.
Au-delà du bénéfice patient, c’est donc un vrai plus pour le chirurgien?
Absolument. Pour les chirurgiens orthopédiques qui ont déjà l’habitude de faire de l’arthroscopie, la courbe d’apprentissage est beaucoup plus verticale : alors qu’avec la technique monoportale il faut une cinquantaine de cas pour prétendre à une certaine maîtrise, ici il en faut dix ou quinze. C’est une barrière qui tombe, quelque chose qui devrait permettre de populariser la technique et l’endoscopie, avec les bénéfices que l’on a cités pour le patient.
L’autre avantage majeur est que cette technique ouvre des champs de traitement beaucoup plus vastes. D’autres chirurgies de la colonne vertébrales sont possibles avec cette technique, le tout avec de toutes petites ouvertures, de façon mini-invasive.
Pour nous qui sommes un établissement de formation, le fait que la technique demande moins de temps pour être maîtrisée et qu’elle ait des aspects très didactiques, grâce à une vision améliorée en vidéo du champ opératoire, est également très appréciable et permettra de la démocratiser plus rapidement.
Comment se passent les suites post-opératoires?
On garde le patient une nuit pour surveillance, pour s’assurer qu’il n’y a pas de complications. La récupération va plus vite, et avec moins de douleurs : avec la technique classique, on doit notamment souvent administrer de la morphine, alors qu’ici des antidouleurs simples font l’affaire. Comme le muscle est moins lésé, la récupération fonctionnelle est rapide.
Après cette première réussite, allez-vous généraliser l’utilisation de la technique?
Comme je le disais, cette technique chirurgicale peut être adaptée à plusieurs indications opératoires, également de la colonne vertébrale cervicale ou thoracique. En Corée du Sud, un travail important a été fait à ce niveau depuis 15 ans, ce qui leur a permis d’adapter la pratique de façon étendue. De ce point de vue, j’y vois un grand potentiel.
Pour l’instant, je vais évidemment chercher à continuer à me perfectionner, et la réserver d’abord aux primo-chirurgies avant de l’utiliser sur des reprises (c’est-à-dire des réopérations), où d’autres contraintes entrent en jeu. Mais je compte bien la généraliser pour les hernies discales lombaires, et sans doute ultérieurement pour certaines chirurgies cervicales.
L’avantage est que si la technique s’avère trop complexe dans certains cas, on peut sans problème revenir à la technique classique au microscope sans risque pour le patient : la prise en charge reste donc tout aussi sécurisée même pendant la phase de perfectionnement.
Propos recueillis par Yannick Richter, chargé de communication